Meagan Musseau parle en micmac : Kwe' teluisi Meagan Musseau, ni'n na L’nu. Wetapeksi Elmastukwek aq Ktaqmkuk.
Bonjour, je m’appelle Megan Musseau, je suis Mi'kmaw de Ktaqmkuk et la région de Ktaqmkuk dont je suis originaire est Elmastukwek. Elmastukwek est également connue sous le nom de Baie des Îles, et Ktaqmkuk est également connu sous le nom de Terre-Neuve. Et c’est l’un des principaux districts de Mi'kma'ki dans ce que l’on appelle aujourd’hui le Canada atlantique.
Ma pratique couvre de nombreux médiums différents, mais j’aime explorer les notions de mémoire, de transfert de terres, d’histoire familiale et de réseaux de parenté plus larges en relation avec l’environnement, par la pratique de formes d’art traditionnel comme la vannerie micmaque. Pour l’exposition Shimmering Horizons (Horizons scintillants), j’inclus ma série de paniers intitulée Intergalactic L’nu Baskets et ces paniers sont tous fabriqués avec des matériaux synthétiques tels que des rubans en vinyle, du plastique et des rubans de signalisation fluorescents. Le matériau est entièrement décapé et passe donc par une forme de traitement. J’utilise une écorceuse, qui est l’un des outils que nous utilisons également pour écorcer le frêne, mais au lieu d’enlever l’écorce, j’enlève le ruban de vinyle qui était collé sur une grande feuille d’acétate. Puis les bandes sont décapées pour former des « lamelles » en vinyle. Donc plutôt que d’être de la « vannerie en lamelles de frêne », j’appelle cela de la « vannerie en lamelles de vinyle ». Et ces lamelles sont tissées en paniers.
Ça c’est l’une des formes de panier tout en vinyle noir, et ici en haut, juste au-dessus de la jikiji'j il y a un ruban de signalisation tressé. Normalement, nous utiliserions de l’acore odorant comme élément décoratif dans le panier, mais je voulais susciter une conversation autour de l’accès aux ressources, de l’accès aux médicaments traditionnels et coutumiers, et des réalités plus larges de ce qui se passe dans l’environnement. Par exemple, que se passe-t-il si nous n’avons pas accès au bois, au foin d’odeur, etc.? Comment continuons-nous à faire de la vannerie ? Vous savez, nous sommes un territoire non cédé et non abandonné ici en Mi'kma'ki et nous avons des volumes d’industrie élevés, très élevés. Je voulais donc mélanger ce que je voyais dans mon environnement avec... en tant que jeune femme mi'kmaw qui essaie d’apprendre et de continuer les pratiques artistiques traditionnelles comme la vannerie. Parce que cela est très ancré dans un sentiment de fierté. Et aussi, cela est relié aux systèmes économiques plus larges. Et c’est ce type de recherche qui m’intéresse vraiment et qui me passionne.
J’ai donc commencé à utiliser un ruban de signalisation en vinyle – de longues bandes de ruban de signalisation – et j’ai fait un exercice d’endurance pendant lequel j’ai tressé ce ruban pendant environ une heure et demie. Et donc cet exercice, le fait d’apporter ces matériaux synthétiques sur les terres et de pousser mon corps, d’une certaine façon, cette sorte de récolte, mais aussi cette déconnexion, et aussi une résistance et une résilience en termes d’adaptation. Je pousse mon corps de cette façon pour continuer à récolter ce ruban de signalisation. C’est presque comme si c’était une sorte de contradiction, mais je voulais avoir ce genre de conversation.
Il y a de nombreuses formes de paniers différentes. La forme que j’explore est celle des paniers fantaisie et l’un des principaux détails des paniers fantaisie est en fait ce jikiji'j. Et un jikiji'j est comme un coquillage ou un bigorneau qui vient de l’environnement et qui a été transformé en un élément décoratif sur le panier. Sur le dessus, il y aurait normalement du foin d’odeur, mais pour moi, dans l’histoire que j’essaie de raconter avec ce panier, c’est du ruban de signalisation fluorescent orange. Et ce ruban orange fluorescent se rapporte à l’exercice dont je parlais, qui s’intitule Pendant qu’ils empoisonnent les tourbières, nous tressons encore le foin d’odeur. Ce panier est donc le résultat de cet exercice, de cet exercice d’endurance sur les terres. Et puis, vous pouvez voir aussi à l’intérieur. J’ai utilisé une sorte de ruban noir et blanc, de sorte que le panier ressemble presque à un code, comme une sorte de code photo (elle fait un geste comme si elle scannait un code QR avec un téléphone portable). D’ailleurs, c’est l’un de mes paniers préférés, parce qu’il est très futuriste. Et le processus était aussi véritablement ancré en moi quand je travaillais avec le matériau pour activer une mémoire musculaire dans mes mains, puis plus profondément en puisant dans ma mémoire génétique. C’est pourquoi j’appelle ces paniers les paniers intergalactiques l’nu parce que dans mon récit, et dans l’histoire que j’essaie de raconter, il était question des ancêtres qui descendaient des étoiles et nous montraient des méthodes de tissage et de fabrication avec ces nouveaux matériaux synthétiques et étranges « que pouvons-nous créer? » Oui, je suppose que c’est l’histoire que j’essayais de raconter en créant ces paniers.
En fait, je pense vraiment aux mains et plus particulièrement aux mains comme étant une voie de transit du temps qui passe. C’est vraiment ancré dans le passé et ce que nous fabriquons avec nos mains passe à la postérité et tout cela est entrelacé et tissé : imbriqué. Pour moi le panier est comme un récipient qui englobe le passé, le présent et l’avenir. Et j’ai été vraiment inspirée par les photos d’archives de vanniers, celles d’il y a longtemps jusqu’à celles d’aujourd’hui, et j’aime regarder des images et être inspirée par les mains qui ont tissé ces paniers qui continueront à le faire quand j’aurai moi-même disparu. Je me dis que si je tisse des paniers, et que ces paniers se retrouvent dans d’autres lieux, et qu’ils seront peut-être pris en photo, ce sont des choses que nous laisserons derrière nous, c’est le travail de nos mains. Et oui, nous sommes des voyageurs dans le temps!
Et une autre chose à laquelle j’ai beaucoup réfléchi, c’est que, en tant que vannière, je m’assure que mon nom fait partie mes paniers, surtout lorsqu’ils sont présentés dans une collection, ainsi que le lieu où ils ont été fabriqués et les mains qui ont tissé ces matériaux. Je pense que c’est très important parce que, dans beaucoup de collections de musées, on peut lire « artisan inconnu » ou d’autres termes tout aussi déshumanisants. Donc, je veux continuer à tisser, mais à travers mes paniers je veux m’assurer que l’on sache « c’est ici que ces paniers ont été tissés, et ça c’est la personne qui les a tissés et ça c’est sa famille. » Et c’est une forme de revendication et aussi de résistance aux grands récits coloniaux qui ont pris forme, et qui ont vraiment façonné une grande partie de notre histoire, mais pas toute notre histoire.
Il s’agit donc bien d’une collaboration avec les matériaux, mais aussi avec la manière dont les matériaux sont rassemblés. Je ne vais pas dans les bois toute seule, vous savez, j’ai un ami ou un cousin qui vient avec moi. Le fait d’aller sur les terres et d’être avec quelqu’un ou avec la communauté sur les terres : c’est tellement important. Et même si cela n’apparaît pas clairement dans l’œuvre d’art finie, cela fait partie intégrante du processus. Donc oui, je collabore avec les matériaux et chaque fois que c’est possible, c’est une collaboration avec un ami ou un membre de la famille pour à la fois apprendre et transférer des connaissances. Et aussi pour passer du temps ensemble! Je pense que c’est vraiment important.